Dans une déclaration pondue ce Samedi 13 Juillet, Moscou par la voix de Maria Zakharova, porte-parole du ministère Russe des affaires étrangères, a salué la création le 06 Juillet de la Confédération des Etats du Sahel.
Lors d’un sommet organisée à Niamey, la capitale Nigérienne, les dirigeants des juntes du Burkina Faso, du Mali et du Niger, ont annoncé la mise en place de cette confédération qui scelle la rupture définitive d’avec la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) acté 5 mois plus tôt le 28 Janvier dans un communiqué conjoint.
La confédération des états du Sahel, un instrument au service de la Russie
Une aubaine pour la Russie de Vladimir Poutine qui “confirme son intention d’apporter son appui, autant que possible, à cette alliance des états du sahel notamment en matière de sécurité, de la formation du personnel militaire et des organes de police”, se félicitait la diplomate Russe. Plus qu’un voeu pieux, la naissance de la confédération des états du Sahel est pour le Kremlin, une victoire diplomatique majeure dans son projet d’expansion géostratégique en Afrique.
C’est un secret de polichinelle. La dégradation de l’image de la France singulièrement et de l’Occident en général, a ouvert les yeux de la Russie sur ses chances de tenter à son tour, une percée coloniale sur le continent après la désillusion accouchée de l’effondrement de l’URSS.
Le sommet Russie-Afrique tenu du 23 au 24 Octobre 2019 à Sotchi dans le sud de la Russie, marque un tournant décisif dans la résurrection du projet Russe pour l’Afrique.
Première cible à abattre, la France prête le flanc avec la fin en Mai 2016, de l’opération Sangaris en Centrafrique malgré un contexte sécuritaire encore fragile. Les crises électorales de 2020 en Guinée-Conakry et en Côte d’Ivoire amplifient les frustrations des Africains en particulier ceux de la sous-région Ouest-Africaine vis-à-vis de Paris accusée de soutenir les régimes autoritaristes qui tripatouillent les constitutions pour se pérenniser au pouvoir.
En Avril 2021, la présence du chef de l’état Français, Emmanuel Macron à Ndjamena aux côtés du putschiste, Mahamat Deby Itno à qui il apporte son soutien en contradiction avec la doctrine politique prônée par la France, porte le coup d’estocade au peu de sympathie qui reste à la France dans l’opinion Ouest-Africaine.
Pour Poutine, le boulevard est ouvert. Avec sa bénédiction, les coups d’états s’enchaînent au Sahel. Mali, Burkina Faso, Niger. Chacun des putschistes à l’exception du leader du MPSR 1, Paul-Henri Damiba, affiche très vite ses sympathies pour Moscou. Dans le contexte de confrontation géopolitique entre l’Occident et la Russie qui se joue dans la sous-région, il faut laisser du champ à la Russie pour prendre pieds dans son nouveau pré-carré.
Poutine, nouveau maître absolu du Sahel
Prétextant de l’insuffisance de résultats dans la guerre anti-djihadiste, les juntes Sahéliennes exigent le départ immédiat des troupes Françaises de Barkhane. Au Niger, on en fait de même avec les Américains. Désormais, il n’y a qu’un seul maître dans ces trois pays: Poutine. Et la prédation ne saurait s’accomoder de multilatéralisme. C’est là tout le contraste avec la méthode Occidentale qui favorise l’ouverture au nom du libéralisme. Au Sahel, il y’a du pétrole, des minerais. Le sous-sol est prometteur.
A défaut d’investissements consistants susceptibles de soutenir le développement économique de ces différents pays, on peut toujours avoir recours aux méthodes archaïques en pillant à satiété. Quitte à faire du business bon marché au détriment des finances publiques ou encore à emporter les minerais dans des cargaisons aéroportées. De toute façon, investir massivement en Afrique afin d’y stimuler le développement économique n’a jamais constitué une priorité pour la Russie.
La Russie, un partenaire peu fiable
Malgré les engagements pris à Sotchi en 2019, les échanges commerciaux entre la fédération de Russie et le continent ont chuté de 14% en 2021. Pis, l’on note également que les exportations Russes vers l’Afrique sont 7 fois supérieures aux exportations Africaines vers la Russie. Tout comme en Ukraine où la Russie vise essentiellement les terres fertiles de l’est et les immenses ressources minières, d’où la conditionnalité imposée par Poutine pour mettre fin à sa guerre d’invasion.
En encourageant la création de la confédération de l’AES, le Kremlin peut se frotter les mains de disposer d’un vaste espace territorial. Mieux, d’un réservoir inépuisable de richesses naturelles toujours utiles. A l’inverse, c’est le futur de ces pays parmi les plus pauvres du monde qui s’en trouve hypothéqué. Enclavés, en discorde avec leurs voisins côtiers, démunis d’infrastructures viables pour déployer une politique viable d’exploitation de leurs ressources, les pays de l’AES ne pourront que se livrer à une prostitution décontenancée de leurs ressorts économiques. Tant pis pour les populations. Pourvu que les juntards s’engraissent à volonté.
D’ailleurs, aucun développement prospectif n’est envisageable dans le pourrissement sécuritaire actuel. Et en la matière, la Russie navigue à vue dans son engagement militaire aux côtés de l’AES.
Jusqu’où ira la Russie dans ses vélléités colonialistes en Afrique? La confédération d’accord. Mais, le mirage pourrait avoir des conséquences bien regrettables.
Raoul Mobio