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Côte d’Ivoire: Mamadou Traoré, proche de Soro, condamné à deux ans de prison

Le tribunal des flagrants délits d’Abidjan n’est pas coutumier des procès dits politiques. Vendredi 16 août, les accusés qui y ont défilé toute la matinée avaient commis des délits variés : escroquerie, vol… Mais, au premier rang du banc des accusés, un homme à l’attitude nonchalante se démarque. Accoudé à la balustrade, le crâne rasé et le visage fermé orné de lunettes à monture noire, il semble suivre toutes les audiences avec intérêt, en attendant la sienne.

Cet homme, c’est Mamadou Traoré, membre du comité d’orientation et de coordination (COC) du GPS, le parti de Guillaume Soro, l’ex-Premier ministre de Côte d’Ivoire, aujourd’hui opposant en exil. Quand, à 11h, le juge appelle enfin son nom, il se lève et présente à la barre. Il est reproché à Mamadou Traoré la « diffusion de fausses informations » et le « trouble à l’ordre public » pour une publication sur sa page Facebook.

Il y affirmait que du matériel militaire employé pendant le défilé de la commémoration de l’indépendance, le 7 août dernier, avait été « loué à la force Takuba [une force militaire de l’opération Barkhane, ndlr] chassée du Mali ». Il y critiquait également le bilan du président Alassane Ouattara. « Logements sociaux ? Dohi [mensonge en argot]. Émergence en 2020 ? Dohi. Métro en 2015 ? Dohi. Emploi pour la jeunesse ? Dohi. Non candidature en 2020 ? Dohi. Gratuité des soins ? Dohi… », écrivait t-il.
« Le droit s’enfuit par la fenêtre »

Pour sa défense, Mamadou Traoré a soutenu qu’il avait utilisé « le conditionnel » dans son post Facebook, pour prendre « de la distance » avec l’information, et a plaidé l’humour. « Mes adversaires politiques me connaissent comme celui qui aime titiller, j’ai fait ce post pour amuser la galerie, a-t-il affirmé à la barre. Mais quand j’ai vu que ça partait dans tous les sens dans les commentaires, j’ai tout de suite supprimé la publication ».

Le parquet a jugé que les propos de Mamadou Traoré étaient de nature à « discréditer les institutions de la République » et portent atteinte à l’image du chef de l’État. Au terme d’une heure d’audience, le tribunal l’a reconnu coupable de toutes les charges et l’a condamné à deux ans de prison ferme, une amende et cinq années de privation des droits civils et politiques.

« Cette décision ne me surprend pas, a réagi son avocat Me Souleymane Diallo à la sortie de la salle d’audience. On ne peut pas juger un homme politique et espérer échapper à un procès politique. Mais lorsque la politique rentre par la porte du prétoire, le droit s’enfuit par la fenêtre. » À un peu plus d’un an de la présidentielle 2025, pour les avocats de Mamadou Traoré, cette condamnation serait une tentative de musellement de l’opposition.

Un autre proche de Soro devant la justice

« C’est un homme politique, la Constitution lui donne le droit de s’exprimer librement », rappelle Me Diallo, qui a déjà annoncé son intention de faire appel de cette décision. En 2022, Mamadou Traoré avait déjà écopé d’une condamnation de 8 mois de prison ferme pour divulgation de fausses informations. Il est le deuxième cadre de GPS à avoir été arrêté par la justice ivoirienne en moins d’une semaine.
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Le premier, Kando Soumahoro, détenu depuis mercredi 14 août, répond lui aussi de l’accusation de « trouble à l’ordre public », mais pour un motif bien différent. La justice lui reproche d’avoir signé au nom de GPS, aux côtés de dix autres représentants de partis d’opposition, une déclaration commune appelant le pouvoir à des réformes électorales.

Or la justice a ordonné en 2021 la dissolution du GPS, et considère toute activité menée depuis par le parti comme illégale. Un argument que réfute le collectif d’avocats du parti, qui rappellent avoir déposé un pourvoi en cassation. Ils estiment que le parti n’est pas juridiquement dissous tant que leurs moyens de recours ne sont pas épuisés.

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